Bon, on va pas en faire tout un fromage pané, si? J'ai cru que j'avais l'appendicite. Les médecins aussi d'ailleurs, ils n'en menaient pas large. De façon générale, je crois avoir l'appendicite au moins une fois tous les deux mois... Mais bon, là, toute seule à Wisteria Ulice (rue en cz), avec un mal de bide à vous clouer au lit toute la journée, et même s'il n'en faut pas tant pour me persuader de rester tranquillement à ne rien faire dans mon lit, j'ai quand même commencé à me poser des questions. Et puis, j'avais un précédent récent dans la famille. Que dis-je, deux! Alors au bout d'un moment, on a envie de tester les services médicaux locaux. Je me suis donc acquittée de ma tâche très consciencieusement.
J'ai d'abord tenté de joindre un médecin. Mais impossible ne serait-ce que de parler à une secrétaire dans une langue intelligible. J'ai pourtant essayé, anglais, français, espagnol, rien à faire. J'étais coincée. Je devais parler tchèque. D'un coup, tout s'est mélangé dans ma tête. Mes déclinaisons tchèques sont allées faire un tour avec mon vocabulaire espagnol, au fin fond de mon hypothalamus, loin de l'aire maîtrisant le flot de mes paroles, pendant que je tentais de trouver l'équivalent tchèque de "appendicite". Déjà je ne remettais pas ce terme médico-vaudou en anglais, alors en tchèque... Prise de panique, d'un coup la solution m'apparaît claire comme de l'eau gazeuse. Le 112. Non, pas les anciens renseignements français. Vo us savez qu'on est passé au privé, la vieille pub pas kitsch du tout, genre 118 ... avec astérix et un des bronzés re-décorés aux couleurs de la Pologne. Non, je parlais du numéro européen d'assistance secours. Le 112. Elle est pas forte l'Europe? Perso, je suis fan... Entre Erasmus, le 112 et la régulation des prix des appels inter-européens, l'UE est mon nouveau gourou. Ma nouvelle religion.
Je prends donc mon téléphone, compose le 112 - appel gratuit depuis toute l'Europe depuis n'importe quel téléphone, je précise, il faut que ça se sache! . Une voix féminine répond en tchèque. Merde. "Mluvíte anglický prosím?" Considérant l'espoir que je mets dans ma voix lorsque je demande à l'opératrice si elle parle anglais, c'est avec un réel élan de sympathie pour le genre humain tout entier que j'accueille sa réponse "What is your problem?".
Quelques palabres sans importance plus tard, elle m'informe qu'on viendra me chercher quinze minutes plus tard. Les évènements prennent une tournure inquiétante me dis -je.
20 minutes après, une ambulance arrive. J'ai pas l'air con. Une fois de plus. Pas la dernière non plus, croyez-moi, je suis très forte. Rendez-vous compte. Ma rue, c'est le Kosovo comme aimait à le répéter l'ancien locataire de chambre. C'est tombouctou (pardon muriel), pétaouchnok, enfin un trou quoi. L'arrivée de cette ambulance, pour une fille qui était dans le pays depuis à peine une semaine, c'est mieux que les telenovelas pour les commères du village. Un équivalent de tchernobyl sur la vie sociale du quartier. En intensité évidemment, pas en répercussions sur la faune et la flore.
Donc, une fois installée à l'arrière de l'ambulance - dieu merci, on m'a épargné la civière - les deux ambulanciers mettent les gaz et allument le gyrophare. D'un coup, un énorme rocher me tombe dessus. Comme dans Bip et le Coyotte. Ca fait mal, mais on finit par s'en relever. Je suis écrasée par un sentiment d'éxagéré et de honte. Quel besoin y avait-il de mettre le gyrophare, franchement? Les ambulanciers s'ennuyaient un peu, alors pourquoi pas s'amuser à griller quelques feux rouges? A moins que ce ne soit exprès pour décourager toute prochaine tentative d'attirer l'attention sur moi et mon appendicite fantôme. Je ne peux encore vous dire si cela a marché. Donc, je suis dans l'ambulance, qui couine à tout va. C'est gênant. Et puis au bout de cinq-dix minutes, mon âme de petit garçon se réveille, et je trouve ça très rigolo. Ma première virée en voiture qui couine! Même si je suis contente que les vitres soient opaques, et que les automobilistes alentour ne puissent me voir. Mais c'est vraiment amusant. Après, c'est l'arrivée à l'hôpital, examens, je vous épargne les épisodes gores (prises de sang à tout va etc...).
Bon. Là c'est quand même la désillusion. Les séries tv hospitalières ne sont vraiment pas réalistes. En tous cas, pas du point de vue du patient. Certes, je ne m'attendais pas à tomber sur Dr. House, encore moins sur Shepard (Derek pour les intimes) ou Clooney. Mais tout de même. Hôpital universitaire, donc j'accepte que tout ce qui me concerne soit utilisé pour les internes... Et puis la célioscopie - quand on est une grande traumatisée de l'appendicite - ils connaissent pas. En tous cas ne pratiquent pas...
Oh et puis, dans les séries tv, vous savez, tous les patients sont en chambres individuelles. Pas au Thomayer. Comme je suis censée passer la nuit en observation à l'hôpital...Chambre de quatre, deux lits déjà occupés. Pourquoi pas. Et puis en fait, non. Surtout quand la vieille dame qui occupe le lit d'en face préfère se parler seule à très haute voix la nuit, se racontant à quel point elle est seule, et comment son fils l'a laissée à l'hôpital sans venir la voir. Parce que ça, en tchèque, j'ai compris... Donc une nuit particulièrement reposante. La prochaine fois, plutôt crever d'une péritonite...
A la sortie, j'ai évidemment eu droit à la note. Je m'attendais à devoir tout avancer, pour me faire rembourser un jour peut être par la sécu française, mais oh surprise! Ayant pris soin de récupérer le fameux formulaire E 111 - celui après lequel Romain Duris court durant au moins 10 minutes de l'Auberge espagnole -, sous forme désormais de la carte d'assurance maladie européenne, je n'ai eu à payer que 60 Kč, soit moins de 3€. Merci l'Europe! Donc si vous voyagez en Europe, pensez à aller demander cette carte gratuite à votre organisme de sécurité sociale deux semaines avant le départ...
Pour l'anecdote locale, cette franchise de 60 Kč est récente. En effet, durant l'ère communiste, le système de santé était totalement gratuit. Ainsi, d'après mon ami tchèque précedemment cité, la crise gouvernementale qui a eu lieu au printemps dernier, lors de la présidence tchèque de l'UE, - crise qui a mené à la chute du gouvernement de Topolanek - a été influencée dans une large mesure par ces 60 Kč. Les socialistes, menés par Paroubek, ont ainsi fait campagne contre le gouvernement en place sur ce thème... Ce sont 60 Kč qui ont fait tomber le gouvernement!
Maintenant, le pays attend toujours de nouvelles élections. D'où le meeting des verts le dimanche 6 septembre. Mais les élections risquent fort d'être repoussées, en raison d'un imbroglio juridico-constitutionnel particulièrement alambiqué... Mais c'est pour plus tard.
Au final, "nic zvláštního se nestalo", pour paraphraser Chinaski. Rien de spécial n'est arrivé, tout va bien. Je vais pouvoir continuer, la veille de chaque examen non préparé, de chaque cours redouté, à tenter de déclencher une crise d'appendicite pour échapper à la fatalité...
En attendant, à la prochaine alerte à l'appendicite, je me laisse mourir d'une péritonite plutôt que de réitérer tout ce bintz...
Oh et puis un peu de rock-pop tchèque pour la route: Chinaski, avec Laskopad - jeu de mots entre laska, amour, et listopad, novembre -.
Ps: Toute version divergente de la présente est priée d'être gardée pour soi. Dans le cas contraire, l'auteur se verra dans l'obligation de censurer les ajouts intempestifs. Personne n'a dit que c'était la démocratie ici. Merci.
J'ai d'abord tenté de joindre un médecin. Mais impossible ne serait-ce que de parler à une secrétaire dans une langue intelligible. J'ai pourtant essayé, anglais, français, espagnol, rien à faire. J'étais coincée. Je devais parler tchèque. D'un coup, tout s'est mélangé dans ma tête. Mes déclinaisons tchèques sont allées faire un tour avec mon vocabulaire espagnol, au fin fond de mon hypothalamus, loin de l'aire maîtrisant le flot de mes paroles, pendant que je tentais de trouver l'équivalent tchèque de "appendicite". Déjà je ne remettais pas ce terme médico-vaudou en anglais, alors en tchèque... Prise de panique, d'un coup la solution m'apparaît claire comme de l'eau gazeuse. Le 112. Non, pas les anciens renseignements français. Vo us savez qu'on est passé au privé, la vieille pub pas kitsch du tout, genre 118 ... avec astérix et un des bronzés re-décorés aux couleurs de la Pologne. Non, je parlais du numéro européen d'assistance secours. Le 112. Elle est pas forte l'Europe? Perso, je suis fan... Entre Erasmus, le 112 et la régulation des prix des appels inter-européens, l'UE est mon nouveau gourou. Ma nouvelle religion.
Je prends donc mon téléphone, compose le 112 - appel gratuit depuis toute l'Europe depuis n'importe quel téléphone, je précise, il faut que ça se sache! . Une voix féminine répond en tchèque. Merde. "Mluvíte anglický prosím?" Considérant l'espoir que je mets dans ma voix lorsque je demande à l'opératrice si elle parle anglais, c'est avec un réel élan de sympathie pour le genre humain tout entier que j'accueille sa réponse "What is your problem?".
Quelques palabres sans importance plus tard, elle m'informe qu'on viendra me chercher quinze minutes plus tard. Les évènements prennent une tournure inquiétante me dis -je.
20 minutes après, une ambulance arrive. J'ai pas l'air con. Une fois de plus. Pas la dernière non plus, croyez-moi, je suis très forte. Rendez-vous compte. Ma rue, c'est le Kosovo comme aimait à le répéter l'ancien locataire de chambre. C'est tombouctou (pardon muriel), pétaouchnok, enfin un trou quoi. L'arrivée de cette ambulance, pour une fille qui était dans le pays depuis à peine une semaine, c'est mieux que les telenovelas pour les commères du village. Un équivalent de tchernobyl sur la vie sociale du quartier. En intensité évidemment, pas en répercussions sur la faune et la flore.
Donc, une fois installée à l'arrière de l'ambulance - dieu merci, on m'a épargné la civière - les deux ambulanciers mettent les gaz et allument le gyrophare. D'un coup, un énorme rocher me tombe dessus. Comme dans Bip et le Coyotte. Ca fait mal, mais on finit par s'en relever. Je suis écrasée par un sentiment d'éxagéré et de honte. Quel besoin y avait-il de mettre le gyrophare, franchement? Les ambulanciers s'ennuyaient un peu, alors pourquoi pas s'amuser à griller quelques feux rouges? A moins que ce ne soit exprès pour décourager toute prochaine tentative d'attirer l'attention sur moi et mon appendicite fantôme. Je ne peux encore vous dire si cela a marché. Donc, je suis dans l'ambulance, qui couine à tout va. C'est gênant. Et puis au bout de cinq-dix minutes, mon âme de petit garçon se réveille, et je trouve ça très rigolo. Ma première virée en voiture qui couine! Même si je suis contente que les vitres soient opaques, et que les automobilistes alentour ne puissent me voir. Mais c'est vraiment amusant. Après, c'est l'arrivée à l'hôpital, examens, je vous épargne les épisodes gores (prises de sang à tout va etc...).
Bon. Là c'est quand même la désillusion. Les séries tv hospitalières ne sont vraiment pas réalistes. En tous cas, pas du point de vue du patient. Certes, je ne m'attendais pas à tomber sur Dr. House, encore moins sur Shepard (Derek pour les intimes) ou Clooney. Mais tout de même. Hôpital universitaire, donc j'accepte que tout ce qui me concerne soit utilisé pour les internes... Et puis la célioscopie - quand on est une grande traumatisée de l'appendicite - ils connaissent pas. En tous cas ne pratiquent pas...
Oh et puis, dans les séries tv, vous savez, tous les patients sont en chambres individuelles. Pas au Thomayer. Comme je suis censée passer la nuit en observation à l'hôpital...Chambre de quatre, deux lits déjà occupés. Pourquoi pas. Et puis en fait, non. Surtout quand la vieille dame qui occupe le lit d'en face préfère se parler seule à très haute voix la nuit, se racontant à quel point elle est seule, et comment son fils l'a laissée à l'hôpital sans venir la voir. Parce que ça, en tchèque, j'ai compris... Donc une nuit particulièrement reposante. La prochaine fois, plutôt crever d'une péritonite...
A la sortie, j'ai évidemment eu droit à la note. Je m'attendais à devoir tout avancer, pour me faire rembourser un jour peut être par la sécu française, mais oh surprise! Ayant pris soin de récupérer le fameux formulaire E 111 - celui après lequel Romain Duris court durant au moins 10 minutes de l'Auberge espagnole -, sous forme désormais de la carte d'assurance maladie européenne, je n'ai eu à payer que 60 Kč, soit moins de 3€. Merci l'Europe! Donc si vous voyagez en Europe, pensez à aller demander cette carte gratuite à votre organisme de sécurité sociale deux semaines avant le départ...
Pour l'anecdote locale, cette franchise de 60 Kč est récente. En effet, durant l'ère communiste, le système de santé était totalement gratuit. Ainsi, d'après mon ami tchèque précedemment cité, la crise gouvernementale qui a eu lieu au printemps dernier, lors de la présidence tchèque de l'UE, - crise qui a mené à la chute du gouvernement de Topolanek - a été influencée dans une large mesure par ces 60 Kč. Les socialistes, menés par Paroubek, ont ainsi fait campagne contre le gouvernement en place sur ce thème... Ce sont 60 Kč qui ont fait tomber le gouvernement!
Maintenant, le pays attend toujours de nouvelles élections. D'où le meeting des verts le dimanche 6 septembre. Mais les élections risquent fort d'être repoussées, en raison d'un imbroglio juridico-constitutionnel particulièrement alambiqué... Mais c'est pour plus tard.
Au final, "nic zvláštního se nestalo", pour paraphraser Chinaski. Rien de spécial n'est arrivé, tout va bien. Je vais pouvoir continuer, la veille de chaque examen non préparé, de chaque cours redouté, à tenter de déclencher une crise d'appendicite pour échapper à la fatalité...
En attendant, à la prochaine alerte à l'appendicite, je me laisse mourir d'une péritonite plutôt que de réitérer tout ce bintz...
Oh et puis un peu de rock-pop tchèque pour la route: Chinaski, avec Laskopad - jeu de mots entre laska, amour, et listopad, novembre -.
Ps: Toute version divergente de la présente est priée d'être gardée pour soi. Dans le cas contraire, l'auteur se verra dans l'obligation de censurer les ajouts intempestifs. Personne n'a dit que c'était la démocratie ici. Merci.
4 commentaires:
Tu t'éclates comme une folle .... Par contre la musique, ça va pas le faire, me dis que tu aimes sinon je te déshérite et tu n'auras jamais mes Abba, Bee Gees et Grease achetés au Pakistan chez Radio city!
Bon, tu as toujours été un peu hypocondriaque, je le savais mais si tu pouvais réitérer en journée et pas le soir pour une vieille mère fatiguée... Choukrane!!
hey! mais tu te rappelles pas? une fois dans la voiture avec mamie, j'avais passé tout le trajet à chanter ça! elle est trop forte cette chanson! Et autant Abba j'ai déjà, Bee gees je suis pas fan, mais grease... tu as un CD?? je croyais qu'on n'avait qu'une cassette... tu me l'avais caché ça... En tous cas, oui j'aime bien, et puis c'est la seule occasion où je peux parler hyper vite en tchèque sans me planter, alors je vais pas manquer ça! mais je mettrais d'autres trucs de Chinaski, tu verras... muahaha! sinon, une crise d'appendicite en pleine journée, c'est pas drôle...
bisous
Mouaih... et moi coincé dans ma piaule au fond de trou de l'Yonne (là où depuis on s'évade facile des prisons en cartons)... à préparer mentalement (au moins dans un premier temps) un hypothétique trajet nocturne sans gyrophare mais tout aussi rapide jusqu'à Prague... Tu y penses ??!!! Pffh...
T'as de la chance d'être drôle ensuite dans le rapport écrit...
Anaïs, je ne viens pas polluer tes commentaires, mais pourquoi diantre voulais-tu une cœlioscopie?
Et détail que je ne vois pas, la fièvre... Tu peux avoir une appendicite sans fièvre, mais c'est rare.
Donc, tu t'allonges, et tu te masses doucement la région douloureuse, pour dénouer ces boyaux constrictés, donc douloureux...
De rien, consultation gratuite.
Michel, on se calme!
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