samedi 26 septembre 2009

Mon ami Albert.

Albert est grand. Albert est organisé. Il est tchèque. Ou bien autrichien. Enfin il est européen, c'est sûr. Ses origines sont un peu floues. Nimbées d'un parfum de mystère. Je ne connais ma foi pas son âge, mais il est assurément majeur. Du moins dans ce pays.

Albert, mon ami Albert, n'est pas imaginaire. Remarquez au passage la formidable aussi bien qu'inutile rime. Que de précautions! Albert est un supermarché.

Hier je suis allée faire des courses avec Marie, ma colocataire issue de Dijon, mais en export direct de Bretagne. Eh bien les supermarchés en Rép. Tchèque, c'est quelque chose. D'abord, le carrefour local s'appelle Albert. Mon Albert. C'est étrange tout de même. Je sais que Super U ou Mammouth (plus de T? moins de M?) c'est plutôt alternatif aussi, mais bon, celui-là, j'ai grandi avec, alors on oublie de questionner. Comme si le simple fait d'exister avant moi lui conférait une absolue supériorité sur moi que je ne saurais contester. Comme si le simple fait d'exister avant moi lui conférait une absolue supériorité sur moi que je ne saurais contester. Allez savoir pourquoi, les parents, ça ne marche jamais comme ça. En même temps, pour commencer à avoir l'idée de contester et de se rebeller contre un supermarché, il faut vraiment être désoeuvrée. Ou un peu jetée. Nos précieux géniteurs, au moins, ils réagissent eux. J'ai déjà essayé d'envoyer balader un supermarché, il ne répond pas. Même pas un "va dans ta chambre". L'insolence lui est indifférente. Seul le profit l'intéresse. Ouf, mes parents sont des humains. Mais une fois de plus, je m'égare.

Je disais que mon supermarché préféré répond au doux nom d'Albert. Albert, mon petit Albert, pour reprendre Anouilh. Comprenne qui pourra.
Albert est grand. La première fois que je suis allée à Albert, j'étais seule, perdue et abandonnée dans cette contrée barbare, en quête désespérée d'une brique de lait. Ayant entendu maintes fois par des étrangers dire qu'en France on ne buvait pas le bon lait, le bon lait étant le lait frais, l'idée me vient de mettre à profit mon séjour pour tester les excentricités locales. Du lait frais. Je n'en avais jamais goûté jusqu'à présent. Le lait de bufflone, pas de soucis. Vient même de me revenir un obscur souvenir d'une excursion de maternelle dans une ferme, où l'on m'a fait goûter du lait de chèvre tout frais trait. Hmm. C'est peut-être de là que vient mon aversion profonde pour les choses de la nature. Je vais écrire à Darcos. Quoique. Vu le grand plaisir avec lequel le gouvernement joue aux chaises musicales, ça ne doit plus être Darcos le ministre de l'Education nationale. Peu importe. L'Education Nationale m'a traumatisée. A moi la France!

Tout ça pour dire que le lait ne m'a pas laissé un souvenir impérissable, et ce dans la version optimiste de l'expression.

Du lait de vache frais, étrange et émerveillement, non? Emplie de courage et d'audace, de ce courage et de cette audace qui n'appartiennent qu'à la jeunesse, je tente l'expérience. Ce n'est qu'une fois rentrée, et impatiente de déguster une gorgée de lait fermier tchèque, que je prends conscience de ma méprise. La jolie bouteille avec une jolie vache imprimée dessus, jolie vache qui broute de l'herbe très appétissante dans un joli champ tchèque, ne contient pas du lait, mais une sorte de compromis entre du yaourt acide et du petit lait, et définitivement incompatible avec du chocolat en poudre. Je vous assure, j'ai essayé, c'est pire que du Smecta.

Mais le lait n'est pas la seule aventure qu'Albert m'a réservée jusqu'à présent. Albert est grand, mais Albert est étrange. Par exemple, à Albert, vous ne trouverez pas de clous. Ni de marteau. Il vous propose un assortiment assez phénoménal de vis, de perceuses, de câbles électriques, et autres bidules servant à bricoler ou à construire des maisons, mais de simples, bêtes clous, vous pouvez toujours chercher. Ce que j'ai fait. Alors bon, évidemment, je ne connais pas le mot tchèque pour clou. Mais je sais me faire comprendre. Les employés (absents) du magasin, n'ont pas pu me renseigner. Au final, j'ai acheté des bouts de métal ressemblant à des rivets.

Mais, sans l'aide d'un marteau, ce n'est pas partie facile. J'ai d'abord essayé avec un objet contondant non identifié trouvé dans les affaires de mon futur colocataire russe. Sans succès. Je n'ai réussi qu'à faire un trou dans la peinture du mur. Puis, l'idée m'est venue d'utiliser une casserole. Je n'affabule pas, j'ai essayé avec une casserole. Mais cette fois non plus, le résultat n'était pas flagrant. J'ai agrandi les trous dans le mur, sans pourtant avoir enfoncé le maudit rivet dans le mur. Puis, mon colocataire actuel, un autrichien-grec, m'a suggéré d'utiliser une chaussure. Mais l'idée de taper comme une demeurée sur des rivets avec mes talons aiguilles m'a immédiatement apeurée. "Mais non, mais je parle d'une chaussure avec une semelle épaisse". Ah. Oui, mais je n'en ai pas. Au final, j'ai trouvé un morceau de caddie - oui, oui, un morceau de caddie, celui où on met la pièce pour le libérer - dans un placard chez moi. C'était parfait. J'ai enfin pu accrocher mes cadres. Le destin est parfois impénétrable.

Mais les clous et les marteaux ne sont pas les seuls produits introuvables dans ce pays. Les potatoes de McDo n'ont pas encore frayé leur chemin jusqu'ici ai-je ouï dire. De même, la patafix voit toute sa glorieuse existence à l'étranger remise en question par sa totale absence des papeteries tchèques. Ma colocataire, bretonne, quant à elle, ne se lasse pas de râler. Il n'y a pas de farine de sarrasin ici. Comment faire les crêpes sans farine de sarrasin?! A propos de la farine, d'ailleurs, il y a ici une variété surprenante de farines. Vous aviez déjà vu de la farine en grains vous? Moi non. Mais il m'a quand même fallu quatre essais pour trouver la bonne farine, celle en poudre. Et les éponges ici. Un drame national.

Mon ami Albert est bien achalandé. Mais mon ami Albert n'est pas tout à fait complet, du moins pour un caddie français. Heureusement qu'il y a mon ami suédois, heureusement qu'il y a Ikea.




Comme je ne vais pas vous montrer des photos de mon supermarché préféré, voici un petit aperçu de ce qu'on peut voir si on se balade à pied à Prague, tout à fait au hasard, au détour heureux d'une rue, au coin d'une avenue, en levant un œil, en tournant la tête...



Détail d'un immeuble sur Masarykovo nábřeží (le quai Masaryk).



Národní Divadlo, le théâtre national.



Vue de Prague depuis la colline de Letna, où se tenait l'immense Statue de Staline avant qu'elle ne soit détruite en 1962 lors de la déstalinisation.



Un immeuble, je ne sais pas lequel, je ne sais plus où. Il doit être entre Národní třida (avenue nationale) et Žofín (une petite île sur la Vlatava où est la gallerie MANES). A moins qu'il ne soit sur vers Karlovo náměstí (Place Charles). Peu importe. Je l'aime bien.

3 commentaires:

BD a dit…

Donc tu as raison, ce n'est plus Darcos......... Et puis, eu égard pour la caution de l'appart que tu loues, pourrais-tu essayer de faire moins de trous dans les murs et d'épargner des casseroles qui ne t'ont rien fait!
Sinon je confirme, tu es définitivement givrée ma chérie!

Bil Murche a dit…

Moi je veux voir la tronche à Albert. Dedans comme dehors...

Anonyme a dit…

Et moi, j'attends avec impatience la parution des aventures d'"une jeune française lâchée au péril de sa vie dans un pays dit civilisé"...
mamiO