vendredi 11 septembre 2009

Chronique métropolitaine

Dans le métro, on voit de tout. Par exemple, la dernière fois, assis de l'autre côté du wagon, il y avait le père du dernier personnage principal du film Taxidermie. Un film hongrois primé à je ne sais quel festival centre-européen. En tous cas, si je peux me permettre, si par le plus grand des hasards un jour, vous avez l'occasion d'aller le voir, surtout, restez chez vous. Je ne suis pas (plus) particulièrement sensible, je supporte bien la vue du sang et une opération filmée ne me fait plus peur. Avant, la simple vue du machin pointu du moustique (sa trompe? son aiguille?) rentrant dans la peau humaine me faisait pâlir. C'est dire si j'ai fait du chemin. Et tout ça grâce à un entraînement intensif. Grey's anatomy en perfusion, Tarantino en boucle, et opérations domestiques à coeur ouvert sur courgettes. Je ne suis plus sensible. Mais là, honnêtement, ça dépasse l'entendement. Une horreur. Le pire, c'est que ce n'est pas une horreur de série B, genre Massacre à la tronçonneuse 5. Non, si ce film n'était pas si horrible, il serait génial. En fait, c'est du gore intellectuel. Les Hongrois ont inventé le gore intellectuel combiné au gore visuel et sonore. Très forts. La Hongrie peut être fière! Veuillez excuser cet intermède critique obscure de film inconnu, mais j'avais ça sur le cœur depuis un moment, fallait que ça sorte...



Bien. Dans le métro, on voit de tout. On rencontre tout et n'importe quoi. Comme c'est la première fois que je prends les transports aussi régulièrement - mon premier pass transports à 18 ans, j'ai vraiment été choyée... - ça m'amuse vraiment beaucoup. Encore en tous cas. Alors, je prends un malin plaisir à regarder les gens. A les détailler. Des fois, comme je n'ai rien à faire de mes journées, je pars prendre le métro, juste histoire de voir des gens. De les inspecter. Je fais semblant d'avoir une course à faire, ou alors je me persuade d'avoir une course à faire, mais une course inutile, comme un pot de crème fraîche. De toutes façons les gens ne vous regardent pas dans le métro. Ils le savent, eux, que c'est interdit. Qu'on n'est pas censés se regarder dans le métro. L'individu de sexe masculin et de nationalité indéterminée dans la séquence de Paris je t'aime réalisée par les frères Coen, pourtant prévenu par son guide, l'apprend à ses dépens.

Ne pas fixer les autochtones dans le métro.

Mais c'est vraiment intéressant. Alors parfois, au péril de ma vie, je me hasarde à observer quelque peu la faune métropolitaine dont je fais désormais partie. J'essaye de comprendre mes congénères. Je commence par choisir une cible. Mais il faut faire vite, car s'attarder à choisir une cible, et donc un point d'observation, est suspect. Le gibier risque de s'enfuir apeuré. Ce repérage est primordial. un mauvais choix, une erreur d'appréciation de la distance qu'il reste à parcourir au sujet, un angle mort dans mon champ de vision, et le trajet est inutile. Perdu. Une fois le poisson appâté, il s'agit de l'observer discrètement. Nous ne voulons pas d'esclandre, nous sommes respectables que diable. Nous ne faisons que regarder. Presque pas juger. Le but du jeu est alors de deviner l'âge (facile), le sexe - pas toujours si évident que ça, croyez-moi, il y a de ces spécimens - le métier, et tout plein de petits détails ridicules, comme "ah, tiens, celui-ci à trois boucles d'oreilles à l'oreille droite et seulement deux à la gauche", ou encore "tiens, celle-ci se ronge les ongles". Passionnant vous disais-je! Faut bien s'occuper dans le métro, surtout lorsque je me plante en prenant un bouquin, et que je prends Nietzsche - l'espoir, toujours l'espoir d'un jour le finir, seul l'espoir me maintient ici - à la place de Murakami. Ça c'est vraiment la connerie à ne pas faire... Vous imaginez, coincée dans le métro, avec Nietzsche pour seul compagnon? Il y a de quoi se prendre pour Anna Karénine. Ou Jamel Debouzze. Faut voir.

Même sur un plan sociologique - Hmm. Sciences po déteint plus sur moi que je ne veux bien l'accepter- Enfin. C'est tout à fait passionnant. Vraiment. L'autre jour, par exemple, je me suis assise en face d'un croisement entre Mireille Mathieu et Chantal Thomas, au format au-dessus. Elle a ronflé durant tout le trajet. La grande classe. Et puis une autre fois, j'ai croisé un saxophoniste, qui rentrait de répétition. Des fois aussi, c'est moi qui me fait avoir. Forcément, je peux pas toujours gagner à ce jeu-là. L'autre jour, alors que je rentrais d'une crise shopping, les bras chargés de sacs en tous genres, je m'assieds à côté d'un vieux couple. Le monsieur, apparemment très amusé par un bateau en papier plié coincé dans la fenêtre, me le montre. Il continue en commentant. Diable. Après quoi, trois semaines ici, mon tchèque ne s'améliore toujours pas. Je ne comprends toujours pas un traître mot de tchèque dès lors que cela sort des sentiers battus "Je m'appelle anaïs", "Je suis française" et "Combien ça coûte?". Diantre. La honte va s'abattre sur moi et ma famille. Oh! Et puis il y a Eux.

Eux.

Si vous saviez. Ils sont incroyables. Qu'il pleuve, vente, ou fasse soleil, jamais Ils ne changent. Imperturbables, Immortels parmi les mortels, Ils se mêlent à nos vies, à nos trajets quotidiens. Dans quel but? Personne ne sait. C'est un des grands mystères de notre civilisation, au même titre que les pyramides ou les élections américaines. Leur déguisement est bon, leur couverture presque parfaite. Seul un œil aiguisé, formé à l'observation peut encore les remarquer. Un détail, tout à fait caractéristique, permet de les repérer.

L'association douteuse sandales de marche et chaussettes blanches.

Ici à Prague, c'est toute une armée de ces individus qui hante le métro, foule les pavés centenaires de la ville. D'année en année, ils paraissent se multiplier, dans un dessein aussi obscur qu'inquiétant. En effet, on peut légitimement se demander où sont les autorités régulatrices de la mode? Il semble malheureusement que ces institutions, pourtant particulièrement efficaces en Espagne, au Danemark, en Italie, et dans la région parisienne, soient tout à fait absentes de ce pays. Comme si le régime communiste n'était toujours pas tombé, et que le libre-échange inter-européen n'était qu'une chimère, une utopie lointaine.

Bah, que voulez-vous... Au moins, cet hiver, je me sentirais à ma place lorsque je porterais mon énorme autant qu'affreuse doudoune conçue pour la Sibérie.


Évidemment, la photo n'est pas de moi. Si j'ai le courage et l'audace de fixer les badauds dans le métro, je n'en suis pas encore à le photographier, et encore moins leurs pieds... Merci donc à internet pour la photo.

1 commentaire:

BD a dit…

T'as vraiment rien à faire ma pauvre fille, c'en est désespérant! Auto-école: le code en tchèque ça doit être drôle, prendre des cours de tchèque, de russe, d'espagnol bref, arrêter de regarder les gens qui ne savent pas tout ce que tu fais de répréhensible genre bloquer la circulation pour une pauvre crise de foie...
allez continue et essaie encore Nietzsche, je suis sûre que ça finira pas être sympa et je te dis pas qui a tué..... (faut que j'arrête 24 moi!!!!!) Bises